Depuis un an, les services de renseignement sonnaient l’alarme sans être vraiment entendus. La Libye s’effondre et est livrée aux appétits de Daech.
Depuis un an, les services de renseignement sonnaient l’alarme sans être vraiment entendus. La Libye, prise en étau par des centaines de milices et deux gouvernements se déclarant légitimes, était en train de s’effondrer définitivement. D’être livrée aux appétits de Daech. Avec un point focal, la ville de Syrte.
Une ville hautement symbolique puisque c’était la ville natale du colonel Kadhafi. L’homme qui, durant quarante ans, concentra sur sa personne le fonctionnement de l’État libyen, par ailleurs inexistant. Syrte, la ville qui fut le dernier bastion de ses partisans, et où il termina sordidement son périple dans une embuscade, foulé au sol.Syrte, le point zéro de la Libye post-Kadhafi, n’a au final été contrôlé ni par les forces du gouvernement de Tobrouk ni par celles de Tripoli. Il est tombé, cette année, dans les mains de Daech. Et les témoignages qui remontent nous parlent de tel ancien officier de l’armée de Saddam Hussein dépêché par Daech en Tripolitaine ; de 2 000 combattants étrangers, tunisiens et égyptiens notamment, qui viennent s’entraîner ; de structures de renseignement pour intimider la population, et faire basculer les milices ; de réseaux très au point pour exploiter, là aussi, les ressources pétrolières et faire passer armes et combattants d’un bout à l’autre de l’Afrique du Nord.
Daech élargit son front
Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait sonné l’alarme il y a plus d’un an, en septembre 2014. En déclarant « nous devons agir en Libye », au moment du rapprochement avec Le Caire. Hier matin, le Premier ministre, Manuel Valls, a reconnu que ce serait « incontestablement le grand dossier des mois à venir ». Face à cette menace en perpétuelle mutation, on a appris, lundi, que deux Français qui voulaient rejoindre les camps libyens de Daech ont été arrêtés en Tunisie et remis aux autorités françaises, le… 13 novembre.
En Irak comme en Libye, nous payons, très chèrement, les conséquences du vide de pouvoir créé par deux interventions occidentales. Ce n’est pas la seule cause, mais elle pèse terriblement. En Irak, l’intervention de Bush, en démantelant l’appareil militaire de Saddam, avait non seulement démonté les structures de l’État irakien, mais aussi fourni une main-d’oeuvre, qualifiée et diabolique, à la solde du meilleur offrant. En l’occurrence, Daech.En Libye, la France est en cause. Pour avoir déclenché l’opération et n’avoir pas assuré l’après. Comme si le parfum de printemps qui régna en 2011 nous avait exemptés de la logique, pure et dure, du terrain. Le réveil, aujourd’hui, est d’autant plus douloureux.
Du pétrole et donc des revenus
On comprend mieux l’apparente frilosité des autorités italiennes, la semaine dernière, pour soutenir Paris en Syrie. Un autre dossier arrive, tout aussi chaud, et cette fois, il est juste en face des côtes siciliennes. Faut-il de nouveau intervenir en Libye ? La question fut posée, il y a un an. Mais le terrain politique y est si fragmenté, entre deux gouvernements mais aussi cent factions, qu’on serait bien en peine de choisir un allié à soutenir.
Laisser faire ? Ce serait un choix dramatique. Car la Libye, c’est du pétrole et donc des revenus pour Daech. C’est aussi le carrefour des flux de réfugiés en Méditerranée occidentale. C’est une bombe à la fenêtre de la Tunisie, qui vient de fermer sa frontière. Une menace pour le dispositif français au Sahel confronté à un front qui ne cesse de s’élargir.