On donne le nom de Médie à la partie de l’Asie antérieure, que les Mèdes habitaient dans l’Antiquité. Les Mèdes (Kurdes) fondèrent un empire qui en l’an 612 av. J.C. étendit sa domination en Iran, ainsi qu’au-delà de ses frontières. Cette date de 612 est d’ailleurs considérée par les Kurdes comme le début de l’ère kurde. C’est le sultan turc Sanjar, qui lui donna le nom du Kurdistan.
Appelée Nevruz en turc, Newroz en kurde ou encore Norouz en persan, cette fête d’origine païenne signifie « jour nouveau ». C’est une fête traditionnelle, qui célèbre le nouvel an du calendrier persan (premier jour du printemps). La fête est célébrée par certaines communautés le 21 mars et par d’autres le jour de l’équinoxe vernal, dont la date varie entre le 20 et le 22 mars.
Cette fête est célébrée depuis au moins 3 000 ans, à l’âge de bronze, au premier millénaire avant notre ère, où apparaissait le zoroastrisme, cette doctrine monothéiste, l’une des plus anciennes au monde. Inspiré des divinités locales, le zoroastrisme s’est développé en Perse, la région où se situe l’actuel Kurdistan iranien, dans l’ouest du pays. Elle a fait fonction de religion officielle de l’empire perse à trois reprises (sous les Achéménides et sous les Sassanides jusqu’en 651, date de l’assassinat du dernier roi zoroastrien). Les premiers détails connus sur cette fête apparaissent sous la dynastie des Sassanides : les audiences royales, les cadeaux et le pardon des prisonniers constituaient les principales traditions. Elle est profondément enracinée parmi les rituels et les traditions du zoroastrisme, qui est une religion monothéiste de l’Iran ancien.
Les zoroastriens respectent le feu comme symbole divin. Le zoroastrisme est bel et bien un monothéisme, puisque seul le dieu Ahura Mazda (force créatrice du monde et des quatre éléments, l’eau, la terre, le feu et l’air, et de l’homme en lui donnant son libre arbitre) conserve la prééminence céleste. Les zoroastriens considèrent que leur dieu n’a besoin ni d’adoration, ni d’intermédiaires.
Malgré l’arrivée de l’islam au sein de ces communautés (vers 650) et les persécutions qui en découlèrent, cette fête a réussi à se maintenir, alors que beaucoup d’autres célébrations ont été délaissées, dans le patrimoine culturel iranien, afghan et d’Asie centrale, indépendamment de leur religion. Elle symbolise dans toute l’Asie centrale la renaissance de la nature et marque le début du printemps. Elle est aussi importante que le Nouvel An dans le monde occidental.
Aujourd’hui, cette fête est célébrée dans de nombreux pays, qui ont été des territoires ou qui ont été influencés par l’Empire perse : en dehors de l’Iran, on peut citer le Kurdistan, l’Afghanistan, des parties du Moyen-Orient, aussi bien que dans les ex-républiques soviétiques du Tadjikistan, de l’Ouzbékistan, de l’Azerbaïdjan, du Kazakhstan et du Kirghizistan. La fête est aussi célébrée par les Parsis zoroastriens et les hindous de la vallée du Cachemire. Le bahaïsme, une religion qui trouve ses origines en Iran, célèbre aussi ce jour. Par ailleurs, de nombreuses traditions iraniennes ainsi que le calendrier iranien ont des origines zoroastriennes. Officielle, elle reste la fête la plus populaire de ces régions.
Les préparations de cette fête commencent pendant le dernier mois d’hiver dans le calendrier persan. La fête se traduit par un grand « nettoyage de printemps » dans les maisons. La tradition veut également qu’on achète de nouveaux vêtements, qu’il faudra porter le jour même. Au Kurdistan, les femmes et les hommes portent des vêtements verts, jaunes et rouges, qu’ils considèrent comme les couleurs du peuple kurde.
Pendant les treize jours qui suivent Newroz, les familles se rendent visite et visitent les tombes des parents décédés. Tout le monde essaie de résoudre les conflits ou les malentendus, qui peuvent être portés à partir de l’année précédente. Il y a des nourritures spéciales, des feux d’artifice, la danse, le chant et les récitations de poésie. Les fleurs de printemps (telles que les tulipes, les jacinthes et les saules) sont coupées pour mettre en avant le retour de la saison printanière et la poterie est brisée pour avoir de la chance. Les familles passent la journée à la campagne, profitant de la nature et de la fraîcheur du printemps.
Enfin, les familles rendent visite à leurs proches, afin de partager un bon repas, des pâtisseries et des fruits secs et de s’échanger des cadeaux, c’est aussi le jour des visites. Il faut faire vite pour réussir à saluer tout le monde et prévoir beaucoup de pâtisseries pour les invités. Le plus simple reste tout de même d’organiser une grande fête réunissant tout le monde.
Il existe plusieurs rituels, comme faire des feux et sauter par-dessus. Beaucoup d’enfants s’entourent de draps, rejouant ainsi symboliquement les visites des morts, en tapant sur des boîtes et des casseroles et frappant aux portes pour jouer des tours aux gens. On casse des jarres en terre, qui contiennent symboliquement la mauvaise fortune de quelqu’un. La tradition veut également que l’on saute dans l’eau le mercredi matin, aux premiers rayons de soleil. On fait un nœud dans un mouchoir ou un tissu et demande au premier passant de le défaire, afin d’éloigner la malchance de quelqu’un.
La tradition principale de cette fête est la mise en place des sept objets, dont le nom commence par la lettre S, qui sont sept objets spécifiques disposés sur une table, correspondant aux sept créations et aux sept immortels les protégeant. Aujourd’hui, ils ont été un peu modifiés, mais le symbolisme demeure. Chaque famille essaie de garder sa table la plus jolie possible, puisque le sens spirituel est aussi important que la façon, dont les objets sont disposés, puisque les visiteurs voient cette disposition comme une réflexion de leur goûts.
Le traditionnel porteur des couleurs de Norouz est un personnage appelé Haji Pirûz, ou Hadji Firuz. Son visage est couvert de suie et il est vêtu de vêtements rouges et d’un chapeau de feutre. Il chante et danse dans les rues avec tambourin et trompettes, en distribuant ses bons vœux pour l’arrivée de la nouvelle année.
Le repas traditionnel de la nouvelle année est composé de riz cuit avec des fines herbes (persil, coriandre, aneth, ciboulette et fenugrec) et servi avec du poisson et des nouilles.
Le 13e jour, les familles quittent leur maison et vont pique-niquer à l’extérieur. C’est un jour festif célébré à l’air libre, souvent accompagné de musique et de danse.
Les célébrations du treizième jour viennent de la croyance des anciens Perses que les douze constellations du Zodiaque contrôlaient les mois de l’année, et qu’à la fin de ce cycle, le ciel et la terre sombraient dans le chaos. En conséquence, Norouz, dure douze jours et le treizième représente le chaos, les familles évitent la malchance associée au nombre treize, en allant dehors et en profitant d’un pique-nique et d’une fête.
Les Kurdes célèbrent le Newroz durant la semaine du 21 mars et le considèrent comme la fête la plus importante de l’année. Le Newroz est également accompagné chez les Kurdes de la légende de Kawa le forgeron. Il existe plusieurs versions de cette légende selon les régions du Kurdistan, mais toutes font du Newroz le jour de la victoire de Kawa sur le roi Zohak, lequel faisait sacrifier tous les matins, deux jeunes gens pour nourrir ses deux serpents. La légende raconte qu’une victime sur deux réussissait à s’enfuir dans les montagnes, et de ces milliers de fugitifs naquit le peuple kurde. Kawa se révolta le jour du Newroz, quand son dernier enfant fut capturé. Il tua le roi et libéra ainsi son peuple du joug de la tyrannie. Partout, on alluma des feux et on dansa autour pour fêter la mort du tyran et célébrer l’exploit de Kawa. Depuis, chaque année, le jour du Newroz, les Kurdes allument des feux et dansent autour pour fêter la victoire de la liberté sur la tyrannie.
En Turquie, c’est une tradition et une fête officielle, sa célébration est plus complexe en raison du conflit avec les Kurdes. Avec cette forte connotation identitaire, les festivités du Norouz ont longtemps été interdites en Turquie, légalisé à la fin des années 1990. Les Kurdes, en dépit de la récupération de leur fête par l’État, continuent chaque année de célébrer ce grand évènement populaire, devenu au fil du temps un symbole de résistance.
Inscrit le 30 septembre 2009 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO, le Newroz a été reconnu par l’Assemblée générale de l’ONU, le 23 février 2010, donnant une reconnaissance à cette fête d’origine iranienne comme une journée internationale. Ce projet expliquait que cette fête symbolise une unité culturelle basée sur des traditions vieilles de plus de trois millénaires, célébrées par plus de 300 millions de personnes dans le monde, dans une vaste aire géographique, allant du Moyen-Orient à l’Asie, en passant par le Caucase, les pays riverains de la Mer Noire et des Balkans.