Yousef Azizi : un intellectuel ahwazi

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Christine Vincent
Christine Vincent

Yousef Azizi est né le 21 avril 1951, à Khafajah, dans la province d’Al-Ahwaz (officiellement connu sous le nom de Khouzistan), dans le sud-ouest de l’Iran.

Nom adopté : Benitorof (originaire de son lieu de naissance arabe). C’est un écrivain arabe iranien, journaliste et défenseur des droits de l’homme, un membre de l’association des écrivains d’Iran et membre honoraire de l’association « English PEN », vivant en exil à Londres. Il a obtenu une Licence en administration, à l’Université de Téhéran.

Marié en 1980, sa femme est également originaire d’Al-Ahwaz, avec deux enfants, un fils à l’université de Cambridge et une fille dans le domaine du journalisme.

Pendant une période de trois ans, pendant l’ère du Shah, Yousef a occupé de nombreux emplois, principalement dans le système éducatif, en tant que professeur.

En 1979, après la révolution, à laquelle il avait participé activement, il a continué à enseigner l’administration et la langue arabe au lycée à Al-Ahwaz, jusqu’en 1981, année cruciale dans la vie d’un homme de 30 ans ; il a été licencié et accusé d’être « pro-arabe » et « gauchiste », des accusations qui l’ont finalement conduit dans la prison de Chirchir, à Al-Ahwaz.

Au moment de la guerre entre l’Iran et l’Irak, il a été détenu dans la prison de la Révolution pendant trois semaines, sa famille n’ayant pas été informée de son lieu de détention. Les jours sont devenus des semaines pour la famille, qui le recherchait dans tous les hôpitaux, ne sachant pas s’il était encore vivant. Dans son isolement cellulaire, tous les soirs, vingt à trente personnes ont été exécutées et « nous avons entendu le bruit du tir », a déclaré Yousef. Emprisonnés avec des professeurs, des travailleurs de l’industrie nationale du pétrole et des gauchistes, la plupart d’entre eux étaient des Arabes ; il a été mentalement harcelé et a souvent répété à ses persécuteurs, les mots suivants : « Mon arme est mon stylo ».

Après avoir obtenu des informations éventuelles sur Yousef, porté disparu, les membres de sa famille ont rapidement réagi et contacté un ami dans la garde révolutionnaire qui, à ses propres risques, l’a aidé à sortir de sa prison. « Nous avons essayé de vous récupérer, mais il n’y avait aucune chance », a-t-on déclaré plus tard en prison, en 2005, alors qu’il s’était enfui à Téhéran, une ville avec une population plus importante.

Vivant en demi-clandestinité, à Téhéran, il a travaillé pour des entreprises privées, et craignant pour sa vie, il n’a utilisé aucun stylo sur papier, pendant cinq ans. Après 1988, la liberté de s’exprimer dans l’écriture devint une impulsion, à laquelle il ne pouvait résister, lorsque la fin de la guerre approchait, ce qui signifiait aussi un risque pour sa sécurité, en Iran. Il a publié des centaines d’articles en persan et en arabe sur la culture et la politique, pour les journaux importants, tels que les magazines « Iranian Hamshahri », « Salm et Aadineh », « Al Safir Liban », « Kuwaiti Al-Qadas », la BBC, parmi d’autres. Des livres et des traductions en littérature et des histoires courtes se sont concrétisés et notamment deux fictions (intitulées « Les yeux de Sharbat » et « Hitta », un héros local d’Ahwaz). Même si Yousef ne s’est pas exprimé et a évité d’écrire sur des sujets politiques pendant un certain temps, il est apparu dans plusieurs interviews télévisées, critiquant le traitement des Arabes, dans la région d’Al-Ahwaz.

Des années plus tard, dans l’après-midi du 25 avril 2005, Yousef a été arrêté à son domicile, à Téhéran, par huit agents armés des Services secrets iraniens, qui n’ont pas manqué de lui confisquer tous les dossiers, notes et effets personnels. Injustement accusé d’avoir guidé les Arabes vers des manifestations contre le régime, il a été conduit à la section politique 209 de la prison d’Evin, où il a été réveillé le lendemain matin. A 4 heures du matin, Yousef a cru qu’une exécution était imminente car les gardiens n’étaient pas clairs au sujet de leurs intentions et le traumatisme de son emprisonnement antérieur lui faisait comprendre que c’était la fin. À son « soulagement », il a été transféré à la prison secrète d’Ahwaz dans un isolement cellulaire, où il a été mentalement torturé dans une cellule de 2m x 3m, avec une chaleur de cinquante degrés celsius, une cellule où le manque d’électricité et la privation de ses droits constitutionnels étaient la nouvelle norme. On l’avait même privé de lecture et d’écriture, en lui ayant confisqué ses lunettes.

Après avoir été maintenu dans une solitude et une peur absolues, pendant 65 jours, Saleh Kamrani (un Azéri résidant en Suède) et Saleh Nikbakht (un Kurde résidant en Iran) sont venus l’aider à défendre son cas et sa cause. Pendant quelques mois, il est allé devant les tribunaux et après trois ans, en août 2008, un verdict l’a condamné à une peine de cinq ans de prison, condamnation acceptée par la Haute Cour.

Suite à ce verdict, Yousef a été invité à fuir avant d’être renvoyé en prison, parce que l’inévitable éventualité était certainement la mort ! Il a payé une caution et a saisi cette opportunité pour quitter le pays, pour une bouffée d’air frais, un souffle de liberté, mais en contrepartie, il était coupé de sa famille, qu’il a dû laisser derrière lui. Une journée remplie d’émotion venait de commencer le 3 novembre 2008, après avoir obtenu un billet pour Istanbul ; il se posait les questions suivantes : « Est-ce qu’ils vont me retrouver ? », « Est-ce que je vais enfin échapper à ce tourment ? » Sa femme et sa fille arrivèrent soudainement à l’entrée de l’aéroport, en se demandant s’ils s’échangeraient des mots, à nouveau. Les semaines représentaient des mois, pendant des jours entiers après la Saint-Sylvestre, dans l’espoir de réunir la famille dans un futur proche. Après un court séjour à Istanbul, Yousef a obtenu l’asile politique au Royaume-Uni, en août 2009, et son souhait de réunir toute la famille était exaucé en décembre de la même année, lorsque sa femme et sa fille l’ont finalement rejoint.

En 2016, il a reçu la citoyenneté britannique ; il est actuellement impliqué activement dans les médias persans et arabes, participant à part entière à la cause du peuple arabe ahwazi, en utilisant ses propres mots et sa plume.

À quoi ressemble le futur d’Al-Ahwaz selon Yousef ?

« La région d’Al-Ahwaz ou d’Arabistan est un État du sud-ouest de l’Iran, avec son histoire indépendante et autonome et sa propre culture, indépendante et autonome depuis plus de 500 ans, du 15ème au 20ème siècle. En 1925, le Shah a aboli la souveraineté de notre région, cela signifie que depuis plus de huit décennies, Nous, en tant que peuple arabe ahwazi, souffrons de l’oppression nationale et du racisme anti-arabe en Iran. Je pense que le régime iranien ne peut pas continuer dans cette voie, pendant longtemps. Si les minorités sont solidaires et unissent leurs forces, nous pouvons être sur le bon chemin, vers un chemin plus pacifique. Si le régime résiste aux demandes, une guerre civile sera le résultat le plus probable. Les Perses ont avoué que le principal problème pour le futur iranien était la notion de l’unité nationale, mais nous, en tant que nationalités non-perses, en plus de cela, notre objectif consiste à croire en la démocratie, le pluralisme ethnique et le fédéralisme, en Iran. »

 

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