Le 13 juillet 1989

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Christine Vincent

 

Le 13 juillet 1989, Abdul Rahman Ghassemlou, secrétaire général du Parti démocratique du Kurdistan iranien (P.D.K.I.) depuis 1973 et ses deux collaborateurs, Abdullah Ghaderi-Azar (membre du PDKI) et Fadhil Rassoul (professeur d'université irakien et médiateur) ont été assassinés, supposément par le gouvernement iranien. Ces derniers avaient accepté de recevoir une délégation venue secrètement de Téhéran, pour entamer des discussions de paix. Cela aurait permis aux tueurs d'arriver jusqu'à eux. La même année, l'imam Khomeiny lançait sa fatwa contre l'écrivain Salman Rushdie, après la parution de ses Versets sataniques. 

 

Ce meurtre de l’opposant kurde en lutte contre le régime islamique et de ses deux collaborateurs par un commando iranien, il y a vingt-huit ans, alors qu’ils étaient venus négocier la paix avec Téhéran, reste toujours inexpliqué. Fin novembre 1989, les tribunaux autrichiens ont émis un mandat pour l’arrestation des trois représentants iraniens dans les négociations avec les dirigeants kurdes. Mais les mandats n’ont jamais été exécutés, les trois Iraniens ayant pu regagner Téhéran. L’assassinat à Vienne n’a jamais été clarifié par un tribunal.

Après une première série de contacts en décembre 1988 et janvier 1989, le dirigeant historique du mouvement autonomiste kurde iranien venait de renouer avec des émissaires iraniens. Des entretiens entre les envoyés de Téhéran et les chefs kurdes avaient été enregistrés par les participants et conservés par la police autrichienne. Ces cassettes, remises au PDKI, restent un document exceptionnel, où est exposée la conception de l’autonomie pour le Kurdistan iranien. Ces propos désormais divulgués permettent de penser que les assassins étaient déterminés à le tuer ou ont résolu de le tuer après ces déclarations. Ainsi, Mahmoud Ahmadinejad serait soupçonné de complicité d’assassinat, par le ministère de l’intérieur autrichien. Téhéran a toujours nié une quelconque implication.

Le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) est un parti politique kurde en Iran fondé en 1945, à Mahabad, actuellement basé en Irak.

Né le 22 décembre 1930 à Ourmia, en Iran, d’un père nationaliste kurde, riche propriétaire terrien, et d’une mère assyrienne convertie à l’islam, Abdul Rahman Ghassemlou a étudié dans une école coranique. Son père était conseiller du Shah d’Iran, qui lui a donné le titre « Wussuq-e Divan ». Il a complété son éducation initiale à Ourmia, puis à Téhéran.

 

Dès l’âge de quatorze ans, il militait dans les mouvements de jeunesse du parti Toudeh d’Iran, avant de rejoindre la branche de la jeunesse du PDKI. Il a été témoin de la République de Mahabad (22 janv.-18 déc. 1946). En 1948, il a poursuivi ses études à la Sorbonne, à Paris, puis, ayant reçu une bourse du gouvernement tchécoslovaque, il s’est établi à Prague. En 1952, il a épousé une étudiante tchèque Hélène Krulich, ils ont eu deux filles ensemble, Mina (1953) et Hiwa (1955).  

 

Il a obtenu un doctorat en sciences économiques, puis il a enseigné à l’université de Prague. Rentré en Iran en 1952, il a milité activement pour la cause kurde. En 1968, il a vécu le Printemps de Prague, qu’il approuvait.

 
En 1979, il a soutenu la révolution contre Mohammad Reza Shah Pahlavi, avant que l'ayatollah Khomeiny ne déclare une « guerre sainte » sur le PDKI et les rebelles kurdes. Ce fut le début d’une confrontation, qui a abouti à une défaite militaire des rebelles kurdes et à la suppression politique des partis nationalistes kurdes par le gouvernement central. Le conflit armé s'est poursuivi jusqu'à 1984, au milieu de la guerre Iran-Irak (1980-1988), où les deux pays ont soutenu les séparatistes dans le territoire de l'autre.

Sa conception de l’autonomie comportait quatre points essentiels : l’autonomie, la langue kurde, la délimitation de la région autonome (facteurs géographiques, économiques) et la sécurité à l’intérieur de la région kurde.

Il a présenté les Kurdes, comme appartenant à un peuple que les vicissitudes de l'histoire ont dispersé sur cinq Etats, comme les descendants d'une des plus anciennes civilisations indo-européennes, comme les citoyens d'un pays appelé l'Iran, comme d’ardents défenseurs de la Déclaration des droits de l'homme et du droit des peuples tel que défini par les Nations Unies, pour la liberté de culte et le respect de toutes les religions. Résolument moderne dans ses perspectives, il estimait que la séparation entre les institutions religieuses et l'Etat est souhaitable et que les conditions de vie des femmes et d’éducation doivent être améliorées. Afin de sortir de la pauvreté, les personnes elles-mêmes doivent se sentir libres. La liberté de circulation des biens et des personnes, la liberté d'association et la liberté de former des partis politiques ou des syndicats et d'appartenir à de telles organisations sont les conditions préalables indispensables au développement économique et culturel. Il exigeait une confiance entre la population et l'autorité centrale, avec une décentralisation, devant comporter une charte d'autonomie pour la région du Kurdistan. Dans cet espace kurde, les langues administratives devraient être kurdes et farsi, qui seraient à la fois les langues officielles des autorités régionales et locales.  Aussi, sans la démocratie en Iran, il ne pourrait y avoir aucune garantie d'autonomie au Kurdistan. Abdul Rahman Ghassemlou a vu que ces deux concepts étaient inséparables et ils sont donc devenus le mot d'ordre du Parti démocratique du Kurdistan iranien : la démocratie pour l'Iran, l'autonomie pour le Kurdistan. Il a été un défenseur résolu des droits de la nation kurde et un chef déterminé.
 
Son œuvre, « Le Kurdistan et les Kurdes », a été publiée dans de nombreuses langues et en kurde, en 1973.

 

Il connaissait couramment huit langues : le kurde, le persan, l’arabe, l’azéri, le français, l’anglais, le tchèque et le russe. Il connaissait aussi bien l’allemand.

 
Son adjoint, Sadegh Sharafkandi, lui a succédé en tant que secrétaire général jusqu'à son assassinat, le 17 septembre 1992, dans le restaurant Mykonos, à Berlin, en Allemagne. 
 
Abdul Rahman Ghassemlou et Abdullah Ghaderi-Azar ont été enterrés le 20 juillet 1989, au cimetière du Père Lachaise, à Paris.

 

 

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